Il ne sait plus pourquoi il est tombé. Kurt Stauder a vu dévaler des masses de neige sur les hauteurs. «Attention! Avalanche!», s’écrie le guide pour avertir sa cliente en virée dans les montagnes du Tyrol du Sud. Mais voilà: il n’y a pas la moindre trace d’une avalanche. Stauder est troublé quand le phénomène se reproduit quelques minutes plus tard. «Cette fois, j’ai cru voir bouger la corniche au-dessus de moi et j’ai perdu le sens de l’orientation», se souvient il. Sa cliente a paniqué quand ça lui a repris a u prochain virage : une plaque de neige a paru glisser vers lui depuis la droite et menacer de l’engloutir. Mais tout a disparu quelques instants plus tard.
Ce que l’on pourrait attribuer à un excès de grogs au rhum s’explique scientifiquement: «C’est le mal du ski, un phénomène assez fréquent», explique Martin Burtscher, médecin des Alpes à Innsbruck. C’est gênant pour ceux qui en souffrent, mais cette «maladie» est inoffensive. Les symptômes en sont toujours les mêmes: il semble que la montagne se met à tanguer comme un navire, des masses de neige se mettent en mouvement à côté du skieur ou sous ses lattes. Certains ont des vertiges, des nausées et même des vomissements par-dessus le marché. Le mal du ski survient surtout lorsque la visibilité est mauvaise ou, comme Kurt Stauder avec sa cliente, lorsque l’on ne parvient presque plus à distinguer la piste du ciel blanc.
Notre cerveau reçoit des informations contradictoires «Avoir le mal du ski, c’est comme avoir le mal de mer en montagne», précise Roland Laszig, médecin-chef à la Clinique d’otorhino-laryngologie de l’Université de Fribourg-en-Brisgau. Les trois systèmes de détection des mouvements de notre corps transmettent des informations contradictoires au cerveau. Il réagit par des vertiges et des na usées comme s’il était «vexé». Certes, l’organe de l’équilibre de l’oreille du skieur détecte ses mouvements et indique au cerveau: «Nous bougeons ...», mais ses y eux l’informent qu’il est immobile en raison de la mauvaise visibilité. «A ceci s’ajoute le fait que notre troisième système de détection des mouvements, ces senseurs sur la peau et dans les articulations sont comme étouffés par les chaussures de ski et les épais vêtements», explique Roland Laszig. «Dès lors, ils ne peuvent plus guère renseigner le cerveau.»
Il n’y a pas de données fiables sur la fréquence de ces phénomènes. Une étude menée par des scientifiques du Centre de recherche en médecine du sport à Téhéran indique qu’ils concerneraient entre 3,6 et 16,5% des skieurs. Ces chercheurs iraniens ont également découvert que les jeunes skieurs affectés de myopie ou d’hypermétropie, voire de déformation de la cornée, étaient atteints quatre fois p lus souvent de la maladie du ski. «Même de petits problèmes de la vue peuvent retenir des informations importantes transmises par les y eux», souligne Roland Laszig. Si l’on est atteint de la maladie du ski sur la piste, le mieux est de fixer un point précis, tel un arbre, un caillou ou une personne. C’est le conseil de ce médecin du sport qu’est Martin Burtscher: «Ainsi, on aide les yeux à s’y retrouver. Mais si ça persiste, mieux vaut déchausser les skis.» Si l’on veut tout de même skier, les médicaments contre le mal de mer peuvent prévenir le mal, mais ils peuvent aussi gêner la pratique du ski: somnolence, céphalées, nausées sont encore inoffensives, mais les troubles de l’équilibre, voire même des hallucinations sont plus redoutables. «Plutôt que de prendre des médicaments, je conseillerais de s’abstenir de skier lorsque la visibilité est mauvaise et de rester se reposer à la cabane», ajoute Roland Laszig.
Commentaires (0)
Aucun commentaire trouvé !